Développement et Organisation

27 mars 2014

Après la Responsabilité Sociétale des Entreprises, … l’économie circulaire ?

ABC_0083« Entreprendre dans l’économie circulaire » fut le thème d’une des tables rondes proposées aux étudiants de l’EM et de l’Ecole Centrale de Lyon le 18 Février dans le cadre de la Chaire Recyclage financée par ECO EMBALLAGES depuis deux ans.

Dans un amphi bouillonnant de 200 étudiants environ, 3 entrepreneurs et un représentant de l’association Green Cross France et Territoires sont venus témoigner de leur engagement dans une forme d’entrepreneuriat qui positionne l’homme au cœur du projet d’entreprise et limitant les impacts de l’activité sur l’environnement.

La prise en compte de l’enjeu environnemental dans les nouveaux business models

Aucun des entrepreneurs présents n’a décrit son activité comme relevant de l’économie circulaire, mais tous à leur manière participent d’un nouveau modèle d’entrepreneuriat. Recyclage des déchets, éco-conception, éco-innovation, développement d’applications de contrôle et de consolidation de l’impact environnemental des marques sont autant d’outils qui permettent aux entreprises de penser leur interaction avec leur écosystème en général (société et environnement).

En 1979, Hans Jonas publiait « l’éthique responsabilité », prônant la nécessité de passer d’un modèle éthique anthropocentrique (l’homme comme unité centrale pour penser l’univers) à un modèle éthique responsable qui introduit à la fois de penser dans l’écosystème et pour sa survie (y compris celle des générations futures). Une trentaine d’année plus tard, certains jeunes entrepreneurs revendiquent pleinement ce choix éthique.

Il semble toutefois qu’à travers le développement de la réflexion autour de l’économie circulaire nous franchissions un stade supplémentaire d’organisation de la société. Ce concept encore neuf propose de passer d’une économie linéaire (de l’extraction des ressources à leur mise sur le marché après modification) à une économie circulaire (de réemploi des ressources premières ou secondaires) qui passe par trois étapes distinctes mais indispensables :

  • Le développement de modes de production et de consommation moins impactants sur notre environnement,
  • La généralisation des pratiques de recyclage et valorisation des produits et sous-produits,
  • L’inscription de la production et de la consommation dans (et au service ?) de territoires cohérents.

Cela suppose des activités économiques interconnectées sur le modèle de l’écologie industrielle, conçue dans un soucis de minimisation des impacts sur l’environnement et de maximisation des avantages pour l’ensemble des acteurs ; consommateurs, producteurs et metteurs sur le marché étant coproducteurs de valeur.

Derrière cette boucle intellectuellement vertueuse se posent plusieurs questions très opérationnelles dessinant aussi un modèle de société. Deux me préoccupent particulièrement.

Comment se finance ce nouveau modèle économique ?

Les consommateurs sont-ils prêts à financer une production de proximité ? Les producteurs sont-ils prêts à limiter les profits pour reconnaître financièrement l’effet coproducteur et entraînant des consommateurs ou des usagers ? En bref, sommes-nous prêts à remettre en cause profondément le modèle économique de reconnaissance et de production de valeur actuel?

De même, la mise en réseau d’activités suppose le développement sur des territoires opérationnels qui ne croisent pas forcément les territoires administratifs et politiques existants. Comment s’articule la gouvernance économique de ces nouveaux réseaux d’activités avec la gouvernance politique des territoires ? La circularité ne porte-t-elle pas en germe une remise en question de l’identité des territoires par une déstructuration même de la notion de territoire au profit de leur fonctionnalité? De quel territoire parlera-t-on alors ? Porteur de quelles valeurs ? De quelle histoire ? Les politiques trouveront là matière à réflexion dans la définition de nouveaux axes de développement sociétaux.

C’est pourquoi il est essentiel que le concept d’économie circulaire – aussi séduisant qu’il soit – puisse être appréhendé de manière critique dans ces lieux de recherche et de savoir que sont les écoles. Ainsi les étudiants sont interpellés à la fois en tant que futurs professionnels sur leurs engagements éthiques, comme consommateurs sur leurs arbitrages au regard de leurs contraintes économiques, mais aussi en tant que citoyens sur le mode de société qu’ils souhaitent promouvoir.

Participants de la table ronde

Clément Guyon, Directeur Général Adjoint de Verteego, applications et services de gestion environnementale aux entreprises.
Fabienne Lehénaff, conceptrice de produits et conseil en éco-innovation – société Pockus.
Gaétan Lepoutre, créateur d’Elise, entreprise de collecte et de recyclage des déchets de bureau de la région lyonnaise.
Léon Christophe Etilé, membre du comité d’orientation de Green Cross France et Territoires