Autonomie et Coopération

9 juillet 2014

La Super Halle d’Oullins, le supermarché en super mieux !

En Février 2014, la Super Halle d’Oullins a ouvert ses portes. Regroupant un magasin de producteurs en vente directe, une épicerie bio et un restaurant traiteur, elle repose sur un modèle d’entrepreneuriat puisant ses racines dans le mouvement coopératif français du XIXème siècle, tout en proposant un modèle de gouvernance tout à fait nouveau avec la constitution d’une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif)[1].

Depuis 2001, plus de 2260 SCIC ont été créées dans des secteurs aussi variés que la santé, la culture, la production industrielle, la restauration, mais aussi le commerce et les loisirs. Si elles proposent un modèle alternatif à l’entreprise traditionnelle, les SCIC sont aujourd’hui structurées et centrées sur des valeurs communes et l’envie de partager un business model favorisant la proximité, la durabilité, la diversité des acteurs et l’ancrage territorial.

Je vous propose d’en découvrir les clefs en compagnie de Johanne Ruyssen, la gérante de la Super Halle.

G2S : Johanne, quelles sont les particularités du modèle de SCIC ?

JR : Les principales particularités d’une SCIC résident d’une part dans son objet social qui intègre obligatoirement un volet économique (coopérative de production) et un volet social (l’intérêt collectif) ; et d’autre part dans son multisociétariat (salariés, bénéficiaires, bénévoles, entreprises, associations, collectivités publiques, personnes physiques) avec une obligation de 3 types d’associés au minimum qui doivent inclure impérativement des salariés et des bénéficiaires.

G2S : Au bout de cinq mois d’expérimentation de ce modèle, quels en sont les enjeux en terme de gouvernance ?

JR : un des enjeux majeurs était de passer d’une gouvernance de montage de projet, où le Comité de Pilotage était opérationnel et décisionnaire, à une gouvernance d’activité. Nous avons passé cette étape avec succès en réécrivant un schéma de gouvernance qui donne leur autonomie de décision et, le cas échéant, d’engagement budgétaire, aux différents groupes de travail (communication, travaux, coopération des produits, etc). Le Comité de Pilotage quant à lui devient animateur de la vie coopérative et garant du bon fonctionnement des groupes. Il reste néanmoins décisionnaire en cas d’urgence opérationnelle.

G2S : En quoi cette forme était-elle la plus appropriée au projet de la Super Halle ?

LOGO-Superhalle - copieJR : l’idée d’une coopérative était une évidence compte-tenu de la philosophie même de l’économie sociale et solidaire dans laquelle s’inscrivait le projet de la Super Halle. Le statut de SCIC permet, entre autre, aux collectivités territoriales qui le souhaitent d’entrer au capital et également d’émettre des titres participatifs pour toutes personnes qui voudraient contribuer financièrement au projet (principalement les habitants du territoire sur lequel nous sommes implantés).

G2S : Quelles sont les structures qui ont porté et financé le projet pour qu’il voit le jour ?

JR : le projet de La Super Halle a été accompagné par :

– Le GRAP (Groupement Régional Alimentaire de Proximité) coopérative qui dispense des services supports dans le secteur alimentaire),

– l’ADDEAR (Association Départementale pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural) pour le volet agricole et l’accompagnement à la décision des producteurs associés,

– l’Union Régionale des SCOOP pour le volet juridique en particulier,

– la Jardinière (association visant à développer l’entrepreneuriat social et solidaire) pour l’ingénierie de projet.

Sur 500 k€ d’investissements, nous avons bénéficié de 115 k€ de subventions réparties entre l’Etat via le FEADER (fonds européens agricoles), le Conseil Général du Rhône et le Conseil Régional de Rhône-Alpes dans le cadre de l’Economie Sociale et Solidaire.

A ce propos, nous venons de recevoir à l’occasion de l’AG de l’URSCOOP le trophée de l’innovation pour notre création en juillet 2013 !

G2S : La philosophie du mouvement coopératif tend à promouvoir l’émancipation économique de ses membres. Quel contrat avez vous passé au sein de votre SCIC pour garantir cette émancipation tout en maintenant l’esprit du projet ?

JR : L’ensemble des acteurs a signé une charte d’engagement détaillée, qui est également affichée à l’entrée du magasin. Cette charte garantie la philosophie dans laquelle les acteurs s’inscrivent et est un des nombreux écrits de référence (statuts et règlement intérieur entre autres) qui protègent l’esprit du projet. Le groupe de travail Coopération des Produits se réunit deux fois par mois et interroge nos activités au regard de cette charte (arrivée d’un nouveau producteur, circuit d’approvisionnement, etc). Un acteur qui ne respecterait pas la charte de coopération encourrait un risque légitime d’exclusion.

EPICERIEMerci à Johanne Ruyssen d’avoir partagé avec nous cette expérience d’un nouveau mode de coopération entrepreneuriale et de gouvernance. Pour les Lyonnais, un détour s’impose !

Découvrez le supermarché en super mieux !

 

La Super Halle en chiffres

Capital de la SCIC : 120 K€ à ce jour et une représentation en plusieurs collèges :
- 45% producteurs
- 35% distributeurs et transformateurs
- 10% salariés
- 10% autres utilisateurs et partenaires et membres de soutien (dont une cigale,
club d'investisseurs privés

51 titres participatifs ouverts en apport en compte courant pour un montant de 23 k€

 Pour en savoir plus sur ce récent modèle entrepreneurial

http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/qu-est-ce-qu-une-scic.html

 

[1] Le statut des SCIC a été défini dans la loi 2001-624 du 17 Juillet 2001