Développement et Organisation

28 novembre 2013

Le contrat commercial durable

La contractualisation est pratique courante dans les relations d’affaires. En général, le contrat présente le résultat de la négociation commerciale. Pour les plus complets, ils détaillent la mission, les conditions de réalisation, les résultats attendus et les livrables, les conditions financières et de paiement, des conditions spécifiques au métier exercé (sécurité, environnement, qualité,…) … une vision administrative et juridique du contrat, encadrant une prestation de service ou de délivrance d’un produit.

Pourtant, le contrat peut aussi se concevoir comme un outil de sécurisation, non seulement de chacune des parties, mais encore de la relation qu’elles établissent entre elles. Au regard des efforts développés par chaque partie au cours d’une négociation (pour peu que ce soit dans un souci de coopération), il est pertinent de capitaliser sur la relation et lui donner des chances de se prolonger dans le temps.

Travailler la qualité de la relation d’échange dans le contrat peut passer par l’intégration, dans la pratique de négociation, des 4 éléments de contrat développés par Claude Steiner :

  1. Le consentement mutuel,
  2. La compétence,
  3. Une juste rétribution,
  4. L’objet légal.

Ces préalables au contrat peuvent servir de guide dans la négociation et l’élaboration des contrats d’affaires.

Le consentement mutuel (dans la phase de découverte des besoins et de finalisation de l’accord)

Suis-je au clair avec la demande de mon client ? Nous sommes nous mis réellement d’accord sur les données et éléments nécessaires à la réalisation de ma prestation ou à la délivrance de mon produit ?
En fait, chaque partie a-t-elle conscience de l’investissement nécessaire à la réussite du projet commun objet du contrat ?
L’ensemble des éléments constitutifs des opérations (techniques, économiques, organisationnels, financiers, stratégiques, de planning, …) pour chacune des parties a-t-il été pris en compte dans la négociation ? Si les parties ont abouti à un accord, ces données doivent se retrouver dans les éléments de contexte, la définition de la mission et l’explicitation des attendus figurant alors au contrat.
Par exemple si mon chauffeur doit récupérer un bordereau de livraison lors de son passage chez mon client pour que je puisse assurer la facturation, les modalités de récupération de ce bordereau figureront au contrat. Si elles ne sont données qu’à titre indicatif (situation vécue !), une fois sur deux, le chauffeur reviendra sans le document. Poser cette question au moment de la formalisation du contrat permet au client de réfléchir à la manière dont son organisation va faciliter la mise en place d’une prestation de qualité. Cela donnera peut être lieu à négociation, mais le temps de la négociation sera productif car il évitera la gestion des litiges sur facture et la dégradation de la relation. C’est aussi la possibilité pour vous d’échanger sur vos pratiques et leur sens, voire de réfléchir avec vos clients sur d’autres façons de travailler qui seraient plus productives pour tous.

La compétence (dans la phase de découverte du client et d’explicitation de l’offre)

Etendre ce concept aux relations d’affaires suppose de vérifier que la demande émane de la bonne personne, au bon niveau de décision et de résolution possible.
Cela signifie que le contrat doit être négocié à la fois avec les équipes décisionnaires et les équipes opérationnelles, pour qu’il tienne compte de la réalité technique, économique, environnementale et sociale de l’entreprise. Si le fournisseur a l’obligation d’apporter la preuve de sa compétence à élaborer des solutions, le client doit également faire preuve d’une bonne compréhension de la réalité de son organisation ou d’une bonne vision des objectifs qu’il souhaite atteindre, pour que le contrat soit efficient et la relation fluide.
Je rajouterais dans ce domaine la nécessité de vérifier si les valeurs affirmées et mises en oeuvre par les deux parties sont compatibles entre elles.

La juste rétribution (une fois que le consentement et la compétence ont été vérifiés)

La question du prix est un sujet sensible dans la négociation commerciale. En effet, sauf dans de rares cas de pénurie d’offres, face à l’obligation de serrer son budget faite à l’acheteur, le vendeur doit assurer celle d’apporter la rentabilité attendue par son entreprise. Deux enjeux s’affrontent, représentés par deux individus ou groupes d’individus qui défendent des positions. Le prix sera au final la résultante entre un référentiel commun de marché, la compréhension par l’acheteur de la conformité de l’offre à son besoin, la valeur qu’il lui accorde au regard des coûts engagés par le fournisseur pour la réaliser, les conditions de concurrence sur ce marché là et sans doute une part d’appétence à travailler ensemble. Dans la notion de juste rétribution, il s’agit non seulement de penser la rémunération des parties dans l’échange du point de vue numéraire, mais également symbolique. La vraie question devient donc qu’est-ce que je gagne globalement et sur quel périmètre à travailler avec la partie contractante ? C’est donc l’équilibre entre ce que j’engage dans le contrat et ce que j’en retire qui est en jeu. Envisager le contrat de cette manière permet de positionner l’enjeu de la relation sur le plan de la valeur ajoutée globale fournie par chacune des parties (client comme fournisseur). Comment être plus créatif sur ce sujet en négociation ? Cela suppose de la transparence sur les prix et vraisemblablement l’abandon de l’offre forfaitaire dans pas mal de secteurs. Dès la phase de découverte du client vous pouvez commencer à repérer les domaines de convergences sur lesquels vous pourrez ouvrir le périmètre de négociation à d’autres enjeux que le prix. Dans les rétributions symboliques, l’accès à un réseau plus vaste d’acheteurs est un argument pour l’acheteur vis-à-vis du vendeur, la réactivité ou les facilités de paiement du vendeur pour l’acheteur, par exemple. Toutefois, ces propositions symboliques doivent s’appuyer sur la capacité et l’engagement à les mettre en œuvre pour les acteurs, sous réserve de détériorer profondément la relation en cas de manquement.

L’objet légal (en fin de négociation)

Il recouvre le contenu classique des contrats d’affaires. Je ne reviendrai pas sur ce sujet. Mais dans la démarche, il arrive après la prise en compte des trois éléments précédents, en clôture de la négociation.

En quoi cette approche de l’élaboration du contrat au cours de la négociation génère-t-elle une forme de relation plus durable entre les partenaires ?

– Le travail sur la compétence des parties permet d’expliciter la valeur ajoutée de chacun dans la réalisation du contrat. Celui-ci devient alors un véritable « engagement bilatéral explicite en vue d’un programme d’actions bien défini » (Eric Berne). C’est aussi l’occasion de s’interroger sur le transfert du produit ou du service au client et sur la manière dont l’objet du contrat pourra nourrir durablement la position du client sur son marché.

– Le consentement mutuel explicite les modalités d’engagement des parties au-delà de la relation marchande, dans la réalisation concrète de l’objet du contrat et oblige à l’explicitation de tous les enjeux. Ceci est d’autant plus précieux dans le domaine des services ou le client coproduit le résultat, par la mise à disposition d’équipes, de temps, de lieux, de moyens divers.

– Enfin la juste rétribution permet à chaque partie de se sentir respectée dans le contrat et facilite son investissement dans la mise en œuvre, sans arrière pensée, sans prestation dégradée en raison du dommage causé par une sous-évaluation du prix du service rendu ou du produit apporté.

Comment mettre en place cette approche ?

A travers une réflexion sur la valeur ajoutée produite par les produits et services de l’entreprise dans le business model de ses clients. A quel point je fais grandir mes clients, je leur donne plus de poids, ou plus de confort, ou plus de sécurité, …. ? Quelle est ma participation à la création de valeur de mon client et à son positionnement durable?

Par une formation des forces de vente à des entretiens de découverte prenant en compte des problématiques plus vastes que le champ de compétence de l’entreprise pour élargir les zones de négociation. Quel est aujourd’hui le problème majeur de mon client ? Comment à travers mon intervention vais-je pouvoir contribuer à le résoudre partiellement ou totalement? Et surtout, comment en apporter la preuve ?

Par le développement en interne et avec les partenaires de votre business model de pratiques cohérentes de négociation d’affaires. Les focus groupes communs entre clients et fournisseurs sont des lieux de mise en place de ces pratiques qui peuvent être initiés soit par un grand intervenant du marché, soit par des fédérations professionnelles soucieuses de développer un marché durable.

A l’échelle de son propre écosystème, toute entreprise peut construire des contrats commerciaux durables.