Créativité et Transformation

28 novembre 2013

Les mots nous manquent !

« Ceci n’est pas une crise », c’est le nom que s’est donné un groupe de politiques, d’intervenants et de commentateurs de la vie publique belge pour « réfléchir sur la crise de l’Europe, de la finance, de la politique, qui est aussi une crise des valeurs, du vivre-ensemble ».

Leur choix reflète bien la perplexité des mondes politique, économique et financier face aux événements qui se succèdent en Europe et au-delà de ses frontières depuis 2008.

Loin de moi l’idée d’apporter ma contribution à toutes les analyses de la crise, mais ce choix symbolique de nos voisins belges – en référence à Magritte – m’interpelle sur notre absence de créativité sémantique pour décrire le réel quand celui-ci nous dépasse et bouleverse le cadre de notre pensée commune. Absence que l’on constate dans certains exercices de développement stratégique ou de coaching en entreprise.

Pourquoi avons-nous du mal à nommer ce qui nous arrive dans une situation donnée inédite? En partie, il me semble parce que notre champ lexical est profondément culturel et éducationnel. Nous n’apprenons pas à nommer l’inconnu, et tout à coup les mots nous échappent.

En Novembre 1989, quand les mots manquèrent à Rostropovich, la musique vint à son secours

 

 

Comment s’en sortir alors ? Une de mes pistes personnelles est de multiplier les angles de vision du problème posé. Reprenons le mot crise défini dans le dictionnaire Larousse.

Le recours du sens

Ce « brusque accès, forte manifestation d’un sentiment, d’un état d’esprit » nous renseigne sur l’aspect parfois irrationnel et profondément humain de ce phénomène. C’est une alerte sur des interprétations purement mécanistes des phénomènes économiques et sur les niveaux et domaines de régulation à mettre en œuvre (politique, économique, financier mais aussi sociaux et identitaires).

Dans le langage familier, la crise est un « enthousiasme soudain pour une action, un brusque mouvement d’ardeur ». Un appel à prendre le sujet comme une opportunité à participer à – et vivre – une mutation profonde qui ne serait pas que le deuil d’un modèle ancien, mais l’espoir d’un nouvel équilibre ?

Mais la crise c’est aussi « un moment très difficile dans la vie de quelqu’un, d’un groupe, dans le déroulement d’une activité, etc… période, situation marquée par un trouble profond ». Dans ces moments là, l’attention des plus résistants ne doit elle pas se porter vers les plus fragiles pour travailler à une résilience collective ? C’est en partie la théorie du « care ».

Car, nous le voyons tous les jours, la crise est « rupture d’équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites et le chômage ». Il est donc essentiel de concevoir des remèdes opérationnels tout de suite, pour soigner les situations d’urgence, mais aussi d’encourager sur le long terme les initiatives de modèles alternatifs de production, de management, de manière de faire « société commune ».

Je pourrais aller au bout de la définition de notre dictionnaire, mais l’essentiel est ailleurs pour moi.

Donner des permissions dans un cadre protecteur

Comment mettre en œuvre, appliquer dans mon quotidien cette vision panoramique ? En croisant les points de vue, les approches, les métiers, les générations, sans a priori de qui peut ou ne peut pas travailler ensemble. C’est souvent l’honnêteté et la pertinence de la question posée à un groupe et la qualité de l’animation du débat qui rend possible l’instauration du dialogue et l’émergence de solutions. C’est aussi la reconnaissance faite à chaque individu de sa place et l’autorisation qui est donnée de dire (en se trompant aussi !) comment chacun perçoit le sujet et quelles solutions il envisage (y compris l’absence de solution).

Permission de participer au débat, autorisation de penser, dire, ressentir sur le sujet sont les voies de la puissance d’un groupe à faire émerger des réponses collectives satisfaisantes et réalistes. Un modèle de coopération envisageable dans les entreprises, sous réserve que le leader en soit porteur au quotidien.

Une des questions cruciales à l’échelle d’une nation est la forme à donner à ce grand débat pour qu’il ne soit pas qu’un débat d’experts et qu’il puisse faire sens pour chaque membre de la communauté. Où quand la forme sert et permet le fond !

 

NB : Le groupe "ceci n'est pas une crise" a été créé à 
l’initiative du ministre des Entreprises publiques, 
de la Coopération au développement et des Grandes Villes 
au gouvernement depuis début 2013.