Développement et Organisation

23 mai 2014

L’intelligence économique au cœur des études de marché

Quel bonheur depuis l’avènement du net de pouvoir surfer à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour prendre le pouls du business ! Autrefois, la collecte des données était l’opération critique par excellence de l’étude de marché. Elle nécessitait une masse de petites mains expertes pour défricher la presse, de paires d’yeux fatigués pour scruter des microfilms usés dans les bibliothèques, des heures d’interviews téléphoniques au long cours et des voyages insensés pour rencontrer en face à face le « Professionnel de la Profession » qui vous délivrait en deux heures chrono son message d’oracle. J’exagère à peine … C’était dans les années 90.

Aujourd’hui bases de données, archives de presse, mails, visioconférences, connexions et contacts par les réseaux professionnels accélèrent cette phase de collecte et nous donne un sentiment de toute puissance, pour peu qu’on ait appris à chercher au bon endroit et de manière optimisée sur le réseau. Avec cette plus forte opportunité donnée à la préparation, les entretiens en face à face peuvent alors laisser plus de place à la confrontation des idées, l’analyse, l’approfondissement, voire la prospective.

Le chemin parcouru en 20 ans est incroyable ! Pourtant, en accompagnant des créateurs d’entreprise sur la validation de leurs hypothèses, je constate que cette meilleure accessibilité aux données est autant une aubaine qu’une source d’incompréhension et d’illusion sur la réalité du marché. En effet, la masse d’informations à traiter nous demande d’accroître notre capacité à lire la complexité, à renforcer nos règles d’objectivité dans la posture d’observation et à développer nos outils de lecture du réel pour délivrer un résultat non pas juste, mais en rapport avec le besoin de compréhension du marché, exprimé par le client. Sinon, l’étude tourne rapidement à la confirmation de nos désirs de réussite … ou des nos angoisses d’échec.

La réponse qu’un consultant peut apporter pour rester sincère – quant à ses compétences à gérer la complexité – est dans le soin qu’il portera à définir la question réelle du client. En cela, j’entends non pas la question posée en première instance, qui est souvent relative aux symptômes, mais la question sous-jacente que le client n’arrive pas à formuler. Par exemple à la question d’un créateur qui serait « quelle est le potentiel de parts de marché pour mon offre », souvent la réponse porte plutôt sur les profils de clientèles potentielles et sur le degré d’élasticité du marché à intégrer un nouveau type d’offre, de manière à dimensionner les risques, opportunités et coûts d’entrée sur le marché en question. Donc la première exigence est de travailler à élaborer avec le client une question pertinente qui orientera la recherche et le processus analytique. En travaillant à la recherche sériée d’informations, le marketing d’étude et de veille se rapproche de l’intelligence économique, soit un travail sur l’analyse de la donnée utile et sa mise en lien avec les logiques d’acteurs sur le marché, en vue d’une prise de décision. Cela suppose la maîtrise de grilles de lecture systémiques et la capacité à gérer des approches multifactorielles du réel.

Ainsi, contrairement à une idée de plus en plus commune, internet n’affranchit pas les acteurs économiques du travail d’étude de marché, en mettant à disposition une somme importante d’information. C’est ce travail qui est profondément modifié. Internet et les nouvelles technologies sont des outils qui augmentent la puissance de l’analyse mais n’en dispensent pas, voire la complexifient (qualité et identification des sources, masse de données exponentielle,…).

L’étude de marché devient un exercice rigoureux nécessitant :

  • Une connaissance élargie de la situation du client pour poser de manière pertinente la problématique,
  • La capacité à identifier la conjonction des champs de recherche pluridisciplinaires sur lesquels vous allez travailler,
  • Une collecte de donnée optimisée (et agile) pour ne prendre que l’information utile,
  • Une méthode de tri des données adaptée au problème posé,
  • Une phase d’analyse à plusieurs niveaux de complexité des différents champs d’information qui vont permettre de structurer un livrable accessible et crédible,
  • Une prise de distance avec la donnée brute pour délivrer au client « le message utile » qui conduira à la prise de décision.

Avec les nouveaux outils dont nous disposons et l’accélération de la prise de décision, l’étude de marché n’est plus uniquement un travail d’experts, elle devient  :

  • un exercice de créativité sur la méthode – qui dépendra des ressources du client (conditions économiques, compétences, …),
  • un exercice de rigueur et d’intelligence économique dans l’élaboration de la réponse utile au client,
  • un exercice de communication apprenante, dans le choix de la restitution qui sera faite des résultats.

Voilà qui enrichit ce métier de manière plus que réjouissante !