Le syndrome AB

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23 mai 2014

« J’suis surbooké(e), overbooké(e), blindé(e) de boulot …. »

Qui n’a pas entendu (ou dit) cette phrase des dizaines de fois par jour ?

Appelons cela le syndrome AB, pour Agenda Booké.  Quels en sont les signes cliniques : une forte agitation, une consommation de café (ou d’autres choses) en forte augmentation, un débit de parole accéléré, une consultation ostensible de mails en réunion, des réponses intempestives au téléphone en pleine conversation avec un collaborateur, etc.… Je vous laisse continuer la longue liste des symptômes de l’AB.

Le surbooking est une pratique courante des compagnies aériennes qui revendent une même place plusieurs fois en espérant qu’au moins un client n’annulera pas son voyage. Et si plusieurs se présentent en même temps, proposition est faite de ristourne à celui qui acceptera de reporter son voyage sur le prochain avion.

Il y a sûrement plusieurs raisons à ce que nous traitions « notre temps d’activité professionnelle disponible » comme une place d’avion. Celles qui m’apparaissent sont les suivantes.

  • Trop de travail, nous sommes en sous effectif par rapport au nombre de sujets et de projets traités et nous vivons dans l’illusion (la grandiosité) que « même pas peur », et « j’suis cap’ » ou alors « ça[1] va le faire ».
  • Pas assez de compétences, nous gérons des choses qui nous demandent plus d’effort qui si nous disposions de toutes les compétences requises pour assurer la fonction. Une piste : qu’est-ce qui nous fait consommer de l’huile dans la journée ? Avons-nous besoin de nous professionnaliser, quelles nouvelles compétences acquérir ?
  • Pas de priorisation. En fait, j’ai du mal à réaliser les enjeux, à faire le lien avec ce qui est essentiel et facultatif, tout devient important, … Respirez ! Qui autour de vous peut vous aider à remettre de l’ordre dans les enjeux : ceux de l’entreprise et les vôtres ? Comment gérez vous l’urgence ? C’est quoi le référentiel d’urgence de vos collaborateurs, votre manager, vos clients ? Avez vous vérifié ?
  • Finalement « beaucoup de bruit pour rien !» Qu’avez-vous réellement accompli dans la journée qui contribue à la réalisation des projets dans lesquels vous êtes impliqués ? Toute cette agitation à s’agiter, à faire (mais autre chose que l’essentiel) peut aussi être le symptôme que quelque chose d’inconscient se joue pour vous dans la situation de travail.

Que ce soit pour les individus comme pour les organisations, le booking de l’agenda, c’est peut être aussi la peur que personne ne vienne prendre sa place dans l’avion. Mais à brasser de l’air, on ne remplit pas le vide. Et à déprogrammer ou reporter pour cause d’agenda, on décourage son entourage.

A quoi sert alors l’espace libre de l’agenda ? A comprendre, analyser, progresser, changer de lunettes pour regarder le monde. A se reposer et prendre le temps de clore un dossier avant d’en ouvrir un autre, en toute disponibilité et avec énergie.

Si d’aucun font l’éloge de la sieste, je propose d’y adjoindre l’éloge de la pause créative. Celle qui favoriserait le tri dans l’agenda.


[1] Freud aurait eu beaucoup à dire de cette expression à la mode je crois !